ADTC-AM (Association pour le Développement des Transports Collectifs, des voies cyclables et piétonnes -- Aire Marseillaise) Contribution à l'enquête publique sur le plan de déplacements urbains (PDU) de la Communauté urbaine Marseille Provence Métropole. Jeudi 7 juillet 2005 1. Sur la forme. 1.1. Une concertation moins large que pour le PDU de Marseille. Lors de l'élaboration du PDU de Marseille, entre 1997 et 1999, une large concertation avait été organisée, sous l'impulsion de M. Collet-Fenêtrier (alors adjoint chargé des transports). Des groupes de travail avaient été constitués et se réunissaient régulièrement, regroupant de nombreuses associations et organismes, dont l'ADTC-AM (voir la liste en annexe 1 du PDU de Marseille). Les propositions des uns et des autres y ont été librement discutées, et plusieurs des nôtres ont été intégrées dans le PDU. Nous regrettons vivement que le présent PDU n'ait pas été élaboré sur le même principe. (Le PDU mentionne, p. 21, des « groupes de travail » dont nous n'avons jamais entendu parler. Peut-être s'agit-il de groupes locaux, concernant une commune particulière hors Marseille, mais en tout cas il n'y a pas eu de concertation sur le plan global.) 1.2. Aucun enseignement n'a été tiré des cinq années écoulées depuis l'entrée en vigueur du PDU de Marseille. Le PDU de Marseille prévoyait (p. 117) que « conformément à la Loi sur l'Air, le PDU [serait] évalué, dans son application et ses effets, cinq ans après son approbation. » Il aurait été opportun de procéder à cette évaluation avant de refondre le PDU de Marseille dans celui de MPM (voir 1.4 ci-dessous). Nous refusons que la transformation du PDU de Marseille en celui de MPM conduise à repousser de 5 ans la nécessaire évaluation de son application et de ses effets. Nous souhaitons que cette évaluation soit conduite le plus vite possible; il nous semple en effet que l'application du PDU a été très partielle, les projets routiers qui y figurent ayant été en grande partie lancés, voire terminés, tandis que mise à part la première phase du tramway, les projets concernant les transports collectifs et les modes doux ont peu avancé, et ceux concernant le transport de marchandises pas du tout. De plus, le PDU de Marseille prévoyait (p. 117) la mise en place d'un comité technique et d'un comité de pilotage, chargés de cette évaluation, et s'appuyant « sur un ou plusieurs groupes de travail thématiques largement ouverts à une représentation partenariale. » Cette disposition, qui n'a jamais été appliquée, est reprise sous une forme un peu différente dans le PDU MPM (p. 153), où il est question d'un « observatoire du PDU. » Nous demandons que cette instance soit mise en place sans tarder, et qu'elle soit ouverte à toutes les associations intéressées, notamment à celles ayant participé à l'élaboration du PDU de Marseille. 1.3. Une enquête publique d'ampleur insuffisante. Un seul point d'enquête est ouvert par commune, avec un seul exemplaire du projet de PDU. Pour une ville de 800 000 habitants comme Marseille, c'est inacceptable. Le minimum aurait été de pouvoir consulter le projet dans chaque mairie de secteur. Il aurait aussi été facile de le proposer en téléchargement sur le site web de la Communauté urbaine. Très peu de communication a été faite autour de cette enquête, de sorte que la grande majorité des habitants en ignore la tenue. Au contraire, l'enquête publique sur le PDU de Marseille avait donné lieu à des réunions publiques, à une exposition à la Cité des Associations, etc. Nous n'avons réussi à joindre aucun interlocuteur à la Communauté urbaine qui soit en mesure de répondre à nos questions sur le PDU. 1.4. Une refonte imparfaite du PDU de Marseille. La Communauté urbaine a pris le parti de construire son PDU autour de celui, existant, de la ville de Marseille. Il aurait certes été dommage de ne pas profiter du travail qui avait été fait pour ce dernier. Toutefois, le recours fréquent au « copier coller » conduit à quelques incohérences, quand des éléments qui sont maintenant obsolètes ont été repris tels quels. Ainsi, la carte de la page 117 prévoit un débouché du tramway ex-68 sur la Canebière, alors que la première concertation préalable a conduit à l'abandon de cette idée, comme cela figure correctement sur les cartes de la page 124. Cela se traduit aussi par une différence qualitative entre les parties traitant de la ville de Marseille, ou les projets sont assez détaillés, et celles qui ont été ajoutées pour les autres communes, qui restent à un niveau plus général. Enfin, les données, qui datent pour la plupart de 1997, n'ont pas été réactualisées. Il n'y a certes pas eu de nouvelle enquête ménages depuis, mais d'autres sources auraient pu être cherchées. 2. Sur le fond. De manière générale, le PDU manque de projets concrets. Il reste au niveau des intentions, rien n'est réellement programmé, détaillé, chiffré, planifié, hormis la première tranche du tramway (cf. la lettre du Préfet jointe au dossier d'enquête). 2.1. Le stationnement. Le PDU continue à prévoir une offre de stationnement au centre ville, alors qu'on sait que « le choix modal est directement lié à l'offre en stationnement » (étude CERTU-EPFL de 1997, citée par le Préfet). Au contraire, il devient indispensable de restreindre les possibilités de stationnement, hormis pour les résidents, à certaines conditions. Il faut favoriser les parkings relais à l'entrée de la métropole : le PDU propose 4450 places au total, ce qui est largement insuffisant au regard des flux diagnostiqués, et ne devrait guère inciter les gens à laisser leur voiture (quand ils sont « obligés » de l'utiliser) dans les parcs relais, pour continuer leur trajet en transports collectifs (TC), à pied ou à vélo. Pourquoi ne pas imaginer progressivement des entrées payantes dans la ville (l'exemple de Londres, s'il est sans doute inatteignable actuellement à Marseille, mériterait d'être étudié : avec un péage de 12 euros par jour pour entrer au coeur de la ville, le trafic automobile a diminué en 2 ans de 20 % et les embouteillages de plus de 30 % !), en offrant à la fois parkings de délestage, relais effectifs avec les TC, voire navettes régulières en l'absence de TC proches, et en adaptant les tarifs selon la nature des utilisateurs automobiles (résidents, commerçants, services) et selon les cylindrées, afin de ne pas privilégier les hauts revenus. Ou dans un premier temps, développer les parkings de délestage, avec trajets courts d'accès à pied ou en navette aux hypercentres comme à Strasbourg, Grenoble, etc. 2.2. Les rocades. Les rocades (L2, BUS...) sont de véritables pénétrantes qui deviennent rapidement des autoroutes urbaines (malgré leur appellation trompeuse de « boulevard urbain »), qui ne font que générer encore plus de déplacements de voitures, donc encore plus de besoins en stationnement, et bien évidemment, congestion, pollutions, stress, accidents... Si ces voies nouvelles permettent à court terme de désengorger le coeur de ville, il semble que le PDU n'offre guère d'alternatives « compensatrices » au centre ville pour créer des modes doux de circulation. En tous cas rien de concret qui soit localisé, chiffré et planifié dans le temps. Et plus grave, on privilégie la réalisation des voies de contournement avant d'engager quoi que ce soit en ville, alors qu'il faudrait immédiatement commencer l'aménagement d'espaces pour les déplacements doux et les TC en site propre (TCSP). 2.3. Les voies réservées. Pour une véritable attractivité et « compétitivité » avec les voitures, il faut des espaces réservés (voies piétonnes, pistes cyclables clairement délimitées, voies de bus et tramway séparées), quasi inexistants à Marseille. On n'arrive même pas à marcher tranquillement sur un trottoir, la plupart sont étroits et quand ils sont larges, ils sont encombrés de voitures garées n'importe comment et en toute illégalité. 2.4. Une autorité unique des transports collectifs. Le PDU propose (p. 81) la mise en place d'une tarification commune à l'échelle de l'aire métropolitaine. Cela est en effet indispensable pour que l'intermodalité fonctionne et que les transports collectifs soient attractifs ; cela doit être une véritable tarification commune, permettant par exemple d'acheter dans une station de métro de Marseille un ticket pour Aix-en-Provence, et de pouvoir emprunter avec ce ticket le métro, indifférement le car ou le train, et le bus aixois. Nous pensons que pour y parvenir, il est indispensable de mettre en place une autorité unique, comparable au STIF ou aux Verkehrsverbünde allemandes, et non pas une simple « structure commune d'étude et de réflexion » (p. 75), et ceci doit être fait dès que possible. 2.5. Les déplacements domicile-travail. Les déplacements domicile-travail constituent l'essentiel des flux quotidiens, sources de nuisances s'aggravant de jour en jour (comment continuer en effet à accepter ces files de voitures avec un seul passager, tous les jours aux mêmes heures sur les mêmes trajets ?) Pourtant le PDU n'envisage rien de précis en la matière, hormis un « conseiller en mobilité à la Communauté urbaine ». Il est urgent aujourd'hui de mettre en oeuvre à l'échelle de l'agglomération une véritable politique incitative (en lien avec la RTM) en direction des entreprises : covoiturage, transports mixtes auto/TC (avec abonnement à tarif préférentiel), aides financières et/ou exonérations fiscales pour les employeurs, mise à disposition de véhicules d'entreprises... Dans ne nombreuses villes existent des « plans de mobilité d'entreprise ». Peut-être faut-il commencer par les collectivités locales de MPM, qui pourraient mutualiser leurs moyens, organiser l'usage de leurs véhicules de manière beaucoup plus rigoureuse, et surtout inciter vigoureusement leur personnel à l'auto-partage. 2.6. Le transport de marchandises et de fret. Le diagnostic est consternant : pas d'itinéraire performant d'évitement des centres, pas de connexion avec les parcours autoroutiers, dispositifs de livraison particulièrement faibles, occupation élevée de la voirie le matin, pour les livraisons, pollutions majeures... Si le concept de « logistique urbaine » et la nomination d'un Monsieur Marchandises au sein de MPM, ainsi que l'élaboration d'une charte « transport de marchandises » sont intéressants, la ville de Marseille ne peut continuer à installer les nouveaux pôles logistiques dans les zones d'habitat (denses, la plupart du temps). L'exemple de Graveleau à St André (4 500 habitants, plus de 500 camions par jour) est éclairant. Selon le Collectif pour la défense du cadre de vie dans les 15/16e arrondissements, regroupant plusieurs associations et CIQ, les camions sont devenus le fléau n° 1 de ces quartiers : - sur le littoral (pôle d'activités Saumaty, conteneurs à Mourepiane); - camions de Lafarge sur la Nerthe; - très nombreuses entreprises de transport aux Aygalades, et environ 300 bennes à ordures par jour, 7 jours sur 7 qui viennent au centre de transit en gare de St Louis; - camions qui descendent (trop vite, bien souvent) la Viste, malgré l'interdiction aux camions de plus de 10 tonnes; - 13 000 véhicules/jour sur l'avenue de St Louis au Rove; - de nombreux camions dans le quartier de l'Estaque, dont on veut favoriser l'accès à la mer et le développement touristique ? « La prolifération des entreprises de transport et logistique découle d'une spécialisation en zone arrière portuaire, une volonté politique globale qui condamne à une insécurité, des difficultés de circulation énormes, la dégradation des voies de circulation (un passage de camions = 40 passages de voitures), et l'aliénation du patrimoine foncier de ces quartiers. » (Collectif, conférence de presse autour de Graveleau, 23 février 2005), voir aussi l'article de La Provence (octobre 2002). De même il est indispensable que chaque projet soit accompagné d'infrastructures (dessertes, voiries, carrefours adaptés aux poids lourds, sécurisation des zones d'activités) ce qui n'est pas le cas actuellement. Il est aussi nécessaire de créer des itinéraires de détournement à chaque implantation de ce type d'entreprise, et d'interdire le passage des poids lourds dans les zones urbanisées. La nécessité d'une réglementation de la circulation cohérente à l'échelle de l'agglomération en matière de poids lourds devient urgente. Certains quartiers au nord de Marseille voient rouler (vite !) des camions de plus en plus imposants sur les axes importants, où se situent écoles, services publics, commerces, marchés, etc. Là non plus, pas de programme, pas d'échéance, pas de moyens précis. 2.7. Navette maritime Pourquoi se limiter à des déplacements touristiques ? Une enquête fine pourrait être réalisée auprès des habitants et usagers de l'Estaque pour évaluer la faisabilité permanente de cette navette. Mais il faut éviter la gestion privée comme celle de la liaison du Frioul, aux tarifs prohibitifs. De plus, c'est une opération qui a été envisagée dans le projet « accès à la mer » du littoral nord (Corbières, quai de la Lave, Estaque) et qui a été fortement demandée lors de la consultation publique, notamment par l'association Action Environnement Estaque. Julien Cassaigne, président de l'ADTC-AM 25 rue des Bergers, 13006 Marseille tél. 04 91 92 86 30 cassaigne@adtc-am.org